Couverture de Pourquoi pas la vie
Lecture

Pourquoi pas la vie de Coline Pierré

Plus tôt, cette année, j’ai lu Éloge des fins heureuses de Coline Pierré et j’avais hâte de découvrir comment elle avait mis en œuvre, dans ses fictions, ce qu’elle propose dans cet essai. C’est chose faite avec Pourquoi pas la vie ?

Résumé

Quelle aurait été la vie de Sylvia Plath si elle ne s’était pas suicidée en février 63 ? C’est ce qu’imagine ici Coline Pierré, proposant de suivre la vie fictive de la poétesse, durant un peu moins d’une année après sa tentative de suicide.

Ce que j’en ai pensé ?

Sylvia a tout prévu sauf ça.
Sauf la vie. Son irruption inopinée au milieu du drame, comme un accroc dans le scénario parfaitement huilé de sa mort.

Le roman s’ouvre sur quelques chapitres assez sombres retraçant les jours qui ont précédé la tentative de suicide de Sylvia, la fameuse soirée de février 63 pendant laquelle elle prévoyait de se mettre la tête dans le four, ainsi que les semaines suivantes, lorsqu’elle tente de reprendre pied, sous la surveillance de son presque ex-mari, Ted Hughes. Coline Pierré nous montre la détresse d’une femme trahie, qui a l’impression d’avoir sacrifié son talent à une vie de famille qui vient d’éclater en morceaux et lutte avec ses vieux démons depuis des années. Elle sait que l’envie de mourir peut la reprendre à n’importe quel moment…

Et ça, juste ça, avoir le cerveau vide de toute appréhension, de toute mélancolie, cette légèreté ordinaire, c’est déjà une révolution. Alors, elle saisit ces répits comme une collection de pièces précieuses.


On suit ensuite Sylvia dans son processus de guérison : lors de ses RDV avec sa psy, dans les discussions avec ses éditeurs qui la pousse à publier ses poèmes, dans ses négociations avec Ted pour qu’il accepte de prendre les enfants chez lui de manière régulière, … Peu à peu, sa vie de mère célibataire s’organise pour lui laisser davantage de place à la création. Elle engage une jeune fille au pair française, pour s’occuper des enfants et lui libérer alors des journées entières pour travailler et reprend peu à peu l’écriture.

Sylvia soupire. Elle sait bien. Elle sait que la silence est la nourriture la plus calorique que l’on puisse offrir à la solitude.


Et ce qui va peu à peu la sauver, c’est à la fois sa rencontre avec Greta, une jeune femme qui souhaite adapter La cloche de détresse en comédie musicale, et son amitié avec Al Alvarez. Chacun·e à sa manière lui redonne confiance dans son travail et la soutient. L’adaptation du roman est l’occasion pour elle de réfléchir aux conséquences du patriarcat sur la vie des femmes et d’imaginer des alternatives. C’est aussi l’occasion de mettre en lumière le sexisme qui règne dans le monde de l’édition et du théâtre.

Ce roman est un livre un peu “doudou” qui nous remonte le moral au fur et à mesure de sa lecture. Voir Sylvia reprendre goût à la vie, ça nous donne envie de profiter de la nôtre [ou bien c’est juste moi qui suis dans un très bon mood en ce moment, qui sait ?!]. J’ai beaucoup aimé les figures féminines présentes dans le roman, la sororité qui s’instaure entre Sylvia, Simone et Greta. Et Coline Pierré instille beaucoup d’humour dans son texte, avec subtilité.

Comme si l’austérité était un gage de bon goût. Elle aurait dû se méfier : on ne peut pas faire confiance à quelqu’un qu’un numéro de claquettes ne rend pas heureux.


Ce roman est une utopie, basée sur la vie d’un personnage qui a réellement existé. Cela donne lieu, pour moi, à quelques anachronismes. En effet, Coline Pierré attribue à Sylvia tout un parcours de réflexion féministe, voire intersectionnel, qui dénote un peu avec les valeurs de l’époque et semble peu réaliste. Sylvia, Simone et Greta réagissent comme des féministes de notre génération, dans une Angleterre des années 60 et cela m’a semble parfois trop en décalage. On voit que l’autrice s’est fait plaisir une Sylvia qui aurait pu être une de ses amies actuelle ; elle en a fait une vision fantasmée, la faisant évoluer dans ses réflexions sur le racisme et/ou le classisme, qui sont problématiques dans La cloche de détresse.

Il voudrait lui dire que sa joie est la meilleure façon de le remercier, mais il a peur que ça sonne niais, alors il lui demande simplement si elle a pris un petit déjeuner.


C’est donc un roman libérateur mais qui manque un brin de crédibilité pour moi, en regard de l’époque à laquelle il est censé se dérouler. J’ai refermé ce roman avec le sourire aux lèvres et un petit pincement au cœur en réalisant que Sylvia n’avait pas vécu cette suite de vie.

Infos pratiques

  • Titre : Pourquoi pas la vie ?
  • Autrice : Coline Pierré
  • Édition : L’Iconoclaste, 2022
  • Nombre de pages : 383 pages
  • Genre : contemporain, utopie

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