Couverture de Comme un empire dans un empire
Lecture

Comme un empire dans un empire d’Alice Zeniter

Si vous me suivez ici depuis longtemps, vous connaissez mon amour pour Alice Zeniter. Pour les autres, je rêve qu’elle et moi on soit potes, tellement je la trouve brillante et drôle. Bon, passons ! J’avais Comme un empire dans un empire dans ma PAL depuis des siècles et c’est par le hasard d’une jolie rencontre que j’ai trouvé la motivation d’enfin me plonger dans cette petite brique. Et je dois dire que le timing pouvait difficilement être meilleur !

Résumé

Dans ce roman, on suit deux personnages en parallèle : Antoine, jeune assistant parlementaire auprès d’un député PS, aspirant écrivain, qui se pose de plus en plus de questions sur le sens de son travail ; L., une jeune hackeuse qui n’a pas fait d’études supérieures et pour laquelle, la vie “au dehors” n’a que peu d’importance. Tous deux s’engagent de manière différente pour défendre leurs valeurs mais c’est cet engagement qui va les faire se rencontrer, au détour d’une soirée entre ami⸱es.

Ce que j’en ai pensé ?!

Ce roman se déroule en pleine crise des gilets jaunes. Antoine, travaillant comme assistant parlementaire, il y a de nombreuses références à des événements politiques qui ont eu lieu à cette période et de clins d’œil à des personnages réels. Lire cela en période de réélections anticipées en France, ça avait une saveur un peu particulière… Et plusieurs fois, j’ai noté l’ironie d’une situation qu’on voyait déjà venir, il y a quelques années, preuve en est par les réflexions piochées dans ce roman.

J’ai aimé découvrir les coulisses d’une vie politique à travers le regard de ce mec quelque peu désabusé alors qu’il a à peine trente ans. Cependant, j’ai trouvé qu’on versait assez vite dans la caricature et la simplicité, notamment avec le côté “transfuge de classe” qui est donné à Antoine. Le cliché du prolo de campagne qui s’est élevé grâce à ses études à Paris et qui ne trouve pas vraiment sa place entre ces deux mondes, c’est quelque peu éculé. Pour ce qui est du député, je serais curieuse de savoir de qui Alice s’est inspirée. Je ne les connais pas suffisamment pour les reconnaitre mais je ne doute pas qu’il y avait quelques références, pour celles et ceux qui savaient les voir.

De la déférence inquiète venait au contraire l’impression qu’il lui fallait encore et toujours plus travailler pour ne pas être oublié, éjecté ou piétiné par ceux qui jamais ne seraient ces égaux, puisqu’ils avaient toujours été là.

Le personnage de L., en dehors de ses connaissances en informatique, m’a l’air largement inspiré d’Alice Zeniter, elle-même. Le côté jeune femme arabe, assez peu féminine, qui ne sait pas trop quoi faire de son trop grand corps, elle l’a déjà exprimé par ailleurs. En soi, j’ai l’impression qu’elle a mis un peu d’elle-même dans les deux protagonistes. Par de nombreux aspects, L. m’a touchée : je m’y suis reconnue [pas pour son physique, on est d’accord]. J’aime beaucoup les valeurs qui sont véhiculées à travers elle, ainsi que certaines de ses failles. J’ai aussi aimé le combat qu’elle mène, à sa petite échelle, avec ses connaissances techniques, pour protéger les autres femmes des agressions. Dans ce roman, Alice Zeniter met en avant les différentes formes que prend le harcèlement en ligne et j’ai trouvé que c’était bien amené.

L. s’émerveilla d’avoir l’énergie d’être méchante avec une inconnue alors qu’elle avait passé plus d’un mois enfermée chez elle, terrifiée à l’idée d’une conversation. L. se dit qu’elle n’allait pas si mal et repris une bière pour fêter ça.

Par contre, je me suis plusieurs fois perdue dans ses explications sur le “dedans”. Je ne sais pas… Sans doute à cause du ton trop pédagogue et des métaphores cherchant à trop simplifier le domaine, par quelqu’un qui n’en maîtrise pas complètement les rouages. Je trouvais qu’on sentait le côté “j’essaie de traduire quelque chose que je n’ai pas totalement compris moi-même”.

Parfois, elle se disait que si les femmes aux murmures inquiets insistaient pour la payer, c’était pour ne pas avoir à entendre ses conseils, pour la cantonner à la mission précise qu’elle venait effectuer. Elles pouvaient continuer à vivre exactement comme avant maintenant qu’elles s’étaient acheté une prolongation, un équilibre fragile.

Pour ce qui est de l’intrigue, elle ne m’a pas plus intéressée que cela. Est-ce que j’en voyais trop les fils ? Pour moi, cette fois, on voyait trop à quel point les différents éléments de l’intrigue étaient présents pour servir un message politique que l’autrice souhaitait nous faire passer. Cela se reflétait à la fois dans les dialogues [les conversations dans les fêtes, les disputes entre Antoine et son député] et dans le rôle donné aux personnages secondaires [Xavier et sa communauté vivant en autonomie, Salma et son association féministe, …]. Mais peut-être est-ce parce que ce sont des milieux, des modes de vies ou d’action sur lesquels je me suis moi-même pas mal renseignée ces derniers temps ? Je ne sais pas… Mais tout du long, j’ai eu l’impression que par ce roman, Alice Zeniter avait voulu nous partager ses réflexions et ses connaissances sur des sujets de société qui la touchent particulièrement, sans réussir à les intégrer de manière naturelle dans le récit. Peut-être y avait-il justement trop de messages à faire passer ? Je serais curieuse de savoir si d’autres, parmi vous, ont eu le même sentiment à la lecture ?

Antoine se demanda s’il la trouvait jolie – une interrogation qu’il s’efforça de chasser parce que Salma lui avait répété plusieurs fois qu’il était insupportable quand il croyait que les filles avaient besoin de sa validation sur leur physique, est-ce qu’il ne pouvait pas les laisser exister sans poser de jugement ? La réponse était apparemment non, …

Malgré ces quelques bémols, ce n’était vraiment pas une mauvaise lecture [je suis d’autant plus difficile avec les auteurices que j’aime] ! J’ai pris plaisir à suivre les avancées d’Antoine et L., j’ai souri en reconnaissant le ton d’Alice dans certaines petites piques adressées à ses personnages, … Mais je crois que je préfère la lire en non-fiction [sauf L’Art de perdre, qui était un petit bijou]. Néanmoins, si les thèmes vous intéressent sans vous être trop familiers, foncez ! La plume d’Alice Zeniter est toujours aussi agréable à lire ! Et on me souffle dans l’oreillette qu’elle prévoit un nouveau roman pour la rentrée littéraire, elle est pas belle, la vie ?!

Infos pratiques

  • Titre : Comme un empire dans un empire
  • Autrice : Alice Zeniter
  • Édition : J’ai lu, 2021
  • Nombre de pages : 441 pages
  • Genre : contemporain

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