Betty de Tiffany McDaniel
Ne vous laissez pas abuser par la magnifique couverture rose bonbon et mauve de ce roman… Betty, de Tiffany McDaniel va vous briser le cœur en mille morceaux et nous n’en sortirez pas indemne.
Résumé
Betty, la “Petite Indienne”, nous raconte l’histoire de sa famille et sa vie quotidienne dans l’Ohio, depuis sa petite enfance jusqu’à son entrée dans l’âge adulte. Elle est la fille d’une femme blanche et d’un indien Cherokee qui se sont rencontrés dans les années 50. Elle vit avec ses 5 autres frères et soeurs, étant l’avant-dernière de la fratrie.
Ce que j’en ai pensé ?!
Ce qui frappe dès les premières lignes du roman, c’est la poésie qui émane de l’écriture de Tiffany McDaniel. Elle use d’une plume très imagée, peuplée de métaphores, pour illustrer ses propos. Cela témoigne de la culture cherokee qui est la sienne et qui imbibe l’histoire de Betty.
Autour de Betty, il y a Leland, le frère déjà grand et qu’elle préfère tenu éloigné de la maison ; Fraya, la grande sœur pissenlit dont la voix enchante ; Flossie, qui rêve de devenir une étoile hollywoodienne ; Trustin, le garçon aux doigts de fée qui peint des orages et Lint, le chasseur de cailloux qui craint les démons. Toute cette petite troupe se nourrit des histoires que leur conte leur père pour rendre leur monde plus doux et qui soutiennent les fondations vacillantes de leur mère.
Devenir femme, c’est affronter le couteau. C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillère dans la cuisine tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve. Ces vérités peuvent s’affronter à l’infini. Et qu’est-ce que l’infini sinon un serment confus ? Un cercle brisé. Un portion de ciel fuchsia.
Ce roman alterne entre des moments d’une beauté intense où il est question d’amour de soi, de la nature, de la valeur qu’on peut trouver dans chaque personne, même dans celle qui pourrait sembler la plus insignifiante et des moments d’une violence insoutenable. De véritables uppercuts qui laissent la lectrice ou le lecteur pantois, comme sonné.
Dans cette Amérique très conservatrice, Betty est témoin et victime du racisme qui gangrène la communauté rurale dans laquelle elle vit, jusque dans sa propre famille… Sa mère et sa grande sœur Flossie ont parfois des mots terribles envers la petite fille, dont la peau est trop sombre à leur goût.
Ce roman est aussi une critique du puritanisme hypocrite de l’époque, à travers les grands-parents maternels de Betty mais aussi ses professeurs. Toutes et tous, derrière leurs masques de personnes pieuses cachent des monstres lubriques en puissance.
Dans Betty, vous trouverez tous les trigger warnings possibles et imaginables : violence, racisme, inceste, viol, maltraitance et j’en passe. Si ce sont des sujets qui vous rendent particulièrement vulnérables, je ne suis pas certaine que la beauté de la plume vaille la peine de vous infliger cette lecture. Ou, si vous vous lancez, faites cela à une période où vous vous sentez bien. Personnellement, ce roman m’a plongée dans un état particulièrement sombre duquel je ne suis toujours pas ressortie, deux jours après tourné la dernière page [j’espère que l’écriture de cette chronique va m’aider à m’en débarrasser].
Alors, heureusement, ce roman c’est aussi celui de l’amour que l’on se porte dans une famille, celui de l’amour de la nature et de la conscience des richesses que la Terre nous offre, l’amour des mots et le refuge que ceux-ci peuvent devenir pour une petite fille confrontée à des violences qu’elle ne comprend pas toujours. Il contient des moments lumineux, empreints d’une certaine sagesse qui nous rend confiance en l’humanité.
Je sais aujourd’hui ce qu’il voulait dire, parce que les vagues provoquées par sa mort ont perdu de leur force. Mais les eaux ne seront jamais tranquilles.
Betty est un roman d’apprentissage qui témoigne de l’affranchissement d’une “Petite Indienne” qui va faire de sa passion sa plus grande force. Un roman dont je garderai la trace de la lecture pendant longtemps, je n’en doute pas.
Informations pratiques
- Titre : Betty
- Autrice : Tiffany McDaniel
- Traducteur : François Happe
- Édition : Totem, 2022
- Nombre de pages : 698 pages
- Genre : contemporain
5 commentaires
mespagesversicolores
Ton billet m’a replongée dans ma lecture qui avait, comme tu l’imagines, été assez plombante mais pourtant sans être éprouvante. J’ai trouvé le tout très très beau et malgré la douleur et la violence qui se dégagent de ce livre, j’y ai trouvé de la magie et de la beauté.
Maghily
Oui, heureusement qu’il y a de la beauté dans ce roman ! Sinon, tu te tranches direct les poignets avec les pages les plus glauques ! 😉
Franchement, je pensais que j’étais suffisamment blindée pour ne pas trop être touchée [on commence à avoir l’expérience des lectures noires] mais ce roman m’a pas mal secouée.
Je crois que le pire, c’était le fait qu’à chaque joli moment succédait un passage douloureux. Comme si chaque moment heureux devait se payer.
Ingannmic
J’ai aimé, comme toi, la poésie de l’écriture, et je garderai très longtemps en tête le personnage du père, sans doute un des plus beaux que la littérature m’ait donné de connaître. J’ai en revanche été gênée par l’accumulation de malheurs, non pas tant parce qu’elle rend la lecture éprouvante, que parce que j’ai trouvé qu’elle finissait par nuire à la crédibilité de l’intrigue.
Maghily
Oui, j’ai aussi trouvé qu’il y en avait trop, que ça devenait difficilement crédible sur la fin.
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