Nos jours suspendus de Coralie Bru
Nos jours suspendus de Coralie Bru, c’est encore un de ces livres qui te prends aux tripes et qui va remuer des nos choses que tu croyais bien enfouies…
Résumé
Julia le sent, sa fille lui cache quelque chose. Mais ce qu’elle soupçonne, elle ne veut pas le voir se concrétiser, alors elle repousse le moment de la discussion… Dans ce roman, on suit trois femmes qui s’unissent pour aider l’une d’entre elles à supporter un avortement. Pendant quelques jours suspendus, elles se parlent, se découvrent et se soutiennent.
Ce que j’en ai pensé ?!
Dans ce roman, l’autrice choisit de nous parler d’un avortement “qui se passe bien” : un de ceux pris à temps, avec un entourage bienveillant et la loi de son côté. Un de ceux qui ne pose pas vraiment question tant le choix d’arrêter la grossesse semble couler de source… Et pourtant, on voit à quel point, déjà comme cela, c’est un événement difficile à supporter. L’autrice décrit avec une justesse incroyable la colère qui nous submerge quand on découvre la grossesse, quand on comprend par quoi on va être obligée de passer si on ne veut pas la mener à terme, l’injustice de la situation pour la personne concernée et l’indifférence relative du co-concepteur, celui pour qui, qu’importe le choix, il n’y aura pas vraiment de conséquences. Mais aussi la colère d’une mère qui voit sa fille passer par cette expérience. La peur aussi : est-ce que cela va être douloureux ? Est-ce que le corps médical sera bienveillant ? Est-ce qu’on va me juger ? Toutes ces questions qui tournent en boucle avant d’avaler ce foutu médicament.
Ce soir, je sens que je dois patienter ici longuement, car ma colère est lente et sourde. Elle sort de moi comme un boa, et serpente dans la pièce, me tourne autour en longeant les murs. Elle est froide, déterminée, organisée. Je reste ainsi, immobile, ce qui pourrait être une heure mais ne doit pas l’être, avant de la voir partir. Bientôt, il ne reste plus que sa peau dans un coin, elle a filé hors de la pièce, je respire calmement et je peux enfin réfléchir.
Elle nous présente aussi deux très belles histoires de famille : celle des liens du sang entre Julia et sa fille mais aussi, celle d’une famille de cœur, entre Julia et Rose, sa meilleure amie et mère de substitution. J’ai beaucoup aimé le personnage de Rose : une vieille dame qui a perdu récemment son compagnon de vie, qui n’a jamais voulu d’enfant mais a passé sa vie à éduquer ceux des autres. Vraiment, je crois qu’on aurait toutes et tous besoin d’une Rose dans nos vies.
C’est bien ça, je ne pouvais pas avoir d’enfant, répondit-elle d’une voix posée. Ce n’était vraiment, vraiment pas pour moi. Je l’ai toujours su, depuis toute petite. C’est bien ça ne pas pouvoir, non ?
Lucie, l’adolescente, est également extrêmement touchante : elle culpabilise beaucoup, elle qui prend toujours ses précautions dans tous les domaines. Elle est forte, courageuse, a pris les choses en main même si elle cherche le soutien de sa mère pour l’accompagner dans cette épreuve. Elle a déjà une pensée politique aussi et, consciente de sa chance, elle souhaite faire de ce qui lui est arrivé un combat, pour que d’autres n’aient pas à subir les mêmes revers qu’elle et puissent bénéficier des mêmes droits. Elle représente si bien la jeunesse de cette époque, engagée et fragile à la fois.
Cette épreuve va rapprocher les trois femmes et leur faire découvrir des facettes des unes et des autres dont elles n’avaient absolument pas conscience. J’ai beaucoup aimé ce qu’on découvre au fur et à mesure du récit. Les éléments du passé qui viennent résonner avec le drame du présent. Et est-ce un drame, finalement ? Peut-être pas.
J’ai véritablement été happée par ce roman, si juste et touchant. Une semaine après l’avoir refermé, c’est toujours aussi difficile pour moi de sortir les mots qui rendraient la mesure de ce que j’ai ressenti à sa lecture. Alors, tout ce que j’ai envie de vous dire c’est “lisez Nos jours suspendus“, c’est une lecture nécessaire. Ces derniers temps, il se publie de plus en plus de récits autour de l’avortement et c’est une très bonne chose. Enfin, d’autres posent des mots sur un événement (🤍) dont il est souvent si difficile de parler. C’est un nouveau champ de représentations qui s’ouvre et ce roman-ci est un baume de plus qui vient s’apposer sur nos petits cœurs meurtris.
Infos pratiques
- Titre : Nos jours suspendus
- Autrice : Coralie Bru
- Edition : Les équateurs, 2023
- Nombre de pages : 240 pages
- Genre : contemporain
- D’autres avis : de Fanny pour Les Grenades
6 commentaires
mespagesversicolores
J’étais convaincue qu’il allait te plaire
Maghily
Tu commences à bien me connaître… 😉
Moka
Il m’attend. Dans l’idéal, j’aimerais le lire d’ici ma reprise du boulot.
Maghily
C’est jouable, il se lit assez rapidement ! 🙂
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