Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov
Pour ce mois de décembre, le thème choisi pour le #fantastiqueclassique, c’était “Le Grand Nord”… Avec ma connaissance douteuse de la géographie et mes clichés sur la région, je me suis dit “C’est parfait, j’ai un classique russe qui se déroule à Moscou !”. Certes, c’est pas tout à fait la Sibérie, mais on est quand même sur une latitude nord, selon Wikipédia… ça passe, non ? [Mag où l’art de tordre quasiment chaque fois les consignes]. Et donc, ce fameux classique, c’était Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov.
Résumé
Moscou, années 1920 – 1930. Il semblerait que le diable soit arrivé en ville, accompagné de ses acolytes. Après une rencontre à l’Étang du Patriarche, il a mis deux intellectuels hors d’état d’écrire, des disparitions inquiétantes ne cessent d’être constatées, des personnes ont visiblement perdu la tête après avoir assisté à un mystérieux spectacle de magie noire… Bref, Moscou est sens dessus-dessous ! Et la rumeur d’une présence diabolique enfle rapidement.
Ce que j’en ai pensé ?!
Cela ne se peut pas : les manuscrits ne brûlent pas.
Je suis restée pour le moins perplexe tout au long de ma lecture et ce, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, accusons la 4e de couverture de mon édition qui nous vendait Le Maître et Marguerite comme l’une des plus grandes histoires d’amour de tous les temps [j’avoue, déjà là ça partait mal… L’amour et moi, vous savez bien]. Or, les Amoureux n’apparaissent qu’à la moitié du récit ! Avant cela, ce ne sont que les péripéties ubuesques du diable et de sa suite ! Ce choix malheureux de l’éditeur m’a largement induite en erreur sur ce que j’allais trouver dans ce roman.
En réalité, celui-ci se découpe selon 3 grosses trames narratives qui s’imbriquent les unes dans les autres. Par ordre d’importance :
- l’histoire du Diable, arrivé en ville sous l’identité du magicien Woland et les nombreuses frasques de sa suite ;
- celle du Maître, qui est un écrivain ayant perdu la raison car il ne parvient pas à faire publier son roman et de Marguerite, sa maîtresse, qui va pactiser avec le Diable pour aider son amant ;
- et enfin, l’histoire contenue dans le roman du Maître, qui est une réécriture du procès de Jésus ordonné par Ponce Pilate.
Durant la première moitié du roman, on alterne entre la trame du Diable et celle de Ponce Pilate avant d’enfin faire connaissance du Maître [et après, on insinuerait que je n’ai pas de patience ?!]
Chaque trame va servir à Boulgakov pour raconter des pans du réel qu’il ne peut attaquer frontalement à cause de la censure qui sévit sous la dictature stalinienne. Avec les frasques du Diable, il critique la manière dont la société russe a évolué sous le régime : la corruption latente, l’hypocrisie de ceux qui tentent de dissimuler les richesses acquises illégalement, la délation facilitée par l’absence d’intimité des logements communautaires, etc. Pour ce faire, l’auteur passe par le sillage de l’absurde, procédé avec lequel j’ai beaucoup de mal à adhérer. C’est donc une autre raison de mon désamour pour ce roman. Car à petite dose, l’absurde peut s’apprécier mais sur 600 pages, on frôle l’overdose !
La partie concernant le Maître et Marguerite permet à l’auteur de mettre en avant les difficultés des écrivains qui doivent faire face à la censure (réelle ou celle qu’ils s’imposent d’eux-mêmes pour s’éviter des problèmes). Et ce serait, d’après ce que j’ai pu voir ailleurs, une sorte d’autobiographie romancée puisqu’il était précisément dans cette même situation et devait beaucoup à sa propre femme pour continuer à écrire. C’est aussi une partie dans laquelle Boulgakov se lâche bien sur les clichés concernant Satan et les sorcières [peut-on m’expliquer pourquoi ce sont les seules à toujours se balader toutes nues ?!].
Et pour tout vous avouer, j’ai allègrement sauté les parties sur Ponce Pilate. D’abord parce que cela ne faisait pas assez nordique [c’est quoi ce hors sujet, nanmého ?!] et, surtout, parce que je n’y trouvais aucun intérêt. J’étais là pour grelotter dans l’hiver moscovite, moi, pas pour suer sur une croix !
Bref, vous l’aurez compris, cette lecture a été une torture de tous les instants [quelle drama queen] pour zéro flocon de neige à l’arrivée car l’intrigue s’est déroulée principalement au printemps [l’arnaque du siècle !].
Mais ne nous méprenons pas… Je peux tout à fait voir les qualités littéraires de ce roman et l’importance qu’il revêt dans la littérature russe du XXe siècle. De plus, l’écriture est très fluide, les chapitres pas trop longs, on se voit avancer [ouf !]. Simplement, il ne correspondait ni à ce que j’avais envie de lire, ni à ce que je pensais y trouver. De plus, ma version manquait cruellement de notes d’apparat critique : en effet, de nombreuses parties étaient mises entre crochets car elles avaient initialement été censurées dans les premières versions publiées. Je trouve que cela aurait mérité quelques explications sur le pourquoi de cette censure. Alors certes, il y a une introduction, mais j’ai appris à ne plus les lire avant car ça divulgâche bien trop souvent l’intrigue [pas folle, la guêpe !]. Je pense également qu’il me manquait pas mal de références, pour comprendre toutes les plaisanteries de l’auteur…
Bon, en janvier, je ne devrais pas trop me planter dans mon choix de classique [le contraire serait malheureux] : il suffit de choisir un Steinbeck !
Infos pratiques
- Titre : Le Maître et Marguerite
- Auteur : Mikhaïl Bougakov
- Traducteur : Claude Ligny
- Édition : Robert Laffont, 2015
- Nombre de pages : 640 pages
- Année de parution : 1968 (version française)
- Challenge : lu dans le cadre de la saison 3 des Classiques, c’est fantastique !
13 commentaires
Des Livres Rances
J’ai le souvenir d’une lecture très exigeante et à contre-courant. Je me souviens aussi d’avoir commencé à comprendre l’intrigue en lisant les dernières pages. Bravo pour être allée au bout ! Et j’espère que ça ne te fâchera pas avec la littérature russe.
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L'ourse bibliophile
Je suis assez inculte sur la littérature risse, mais celui-ci fait partie de ceux que j’aimerais lire un jour. Cependant ta chronique me refroidit un chouïa, ne serait-ce que par le côté absurde qui me laisse souvent de marbre. En tout cas, tu m’auras fait rire avec tes souffrances livresques, félicitations d’avoir persévéré jusqu’au bout, même si tu n’as même pas vu un seul flocon au bout du compte !
(Comment ? Tu penses respecter fidèlement la consigne de janvier ? ^^)
Maghily
Hahaha, je suis contente de t’avoir fait rire ! 🙂
Il ne faut pas trop prendre en compte mes râleries de drama queen, ya beaucoup de personnes qui semblent l’apprécier ce roman.
[Ha mais au départ, j’ai toujours l’intention de respecter les consignes ! Après, y arriver, c’est autre chose… :D]
L'ourse bibliophile
Ne t’inquiète pas : si l’occasion et l’envie se présentent en même temps, je lui laisserai peut-être une chance malgré tout ! Généralement, quand le roman m’intéresse, je préfère me faire mon propre avis.
Mais il n’empêche que ta chronique était très plaisante à lire !
mespagesversicolores
Je viens d’aller lire ma chronique… Apparemment, j’avais aimé même si j’avais vraiment souffert de longueurs..
Maghily
Il n’est pas si terrible à lire que ça : c’est surtout qu’il ne correspondait pas à mes attentes (et que j’aime pas l’absurde).
En réalité, il est assez fluide, on se laisse embarquer par leurs aventures.
Mais ya clairement quelques longueurs !
Je vais aller lire ta chronique, je ne me souvenais pas que tu l’avais lu.
chatperlipopette
J’ai lu le roman en 2008 et j’avais adoré son côté foisonnant, luxuriant, palpitant, regorgeant de rebondissements et de scènes improbables où le burlesque et le sérieux s’entrecroisent et s’emmêlent pour le ravissement de la lectrice que je suis.
A l’époque, j’avais comparé le roman aux Matriochkas qui s’imbriquent les unes dans les autres.
Maghily
Ha c’est sûr qu’on ne peut pas lui reprocher le manque de rebondissements ! 😉
C’est une comparaison qui lui va bien 🙂
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Moka
C’est un roman que j’avais étudié à la fac et que j’avais aimé follement. Mon premier pavé russe. Je l’ai relu avec amour, mais j’ai bien conscience de ses failles. Il a été retraduit et j’avoue que je serais curieuse de le relire dans sa nouvelle version. Quand on aime…
Maghily
Je pense qu’il doit être passionnant à étudier !
Ici, clairement, il me manquait un certain nombre de références.
Mais je pense lire d’autres œuvres de Boulgakov et qui sait, peut-être un jour relire Le maître et Marguerite dans la nouvelle traduction, si elle est davantage annotée.