Le Ventre de Paris d’Émile Zola
Je continue lentement mais sûrement ma découverte des Rougon-Macquart. J’ai pas mal traîné les pieds pour lire Le Ventre de Paris car je savais que l’intrigue se déroulait aux Halles de Paris et l’idée de lire de longues descriptions hyper détaillées de montagnes de bidoche ne me disait pas grand chose [si vous avez encore envie de manger de la viande après cette lecture, vous êtes clairement indégoûtables !]
Résumé
Florent, trentenaire et ancien professeur des écoles, revient à Paris après avoir passé plusieurs années au bagne, sur les îles françaises. Il est recueilli par son jeune frère, Quenu, qui s’est établi comme boucher-charcutier et par sa belle-sœur, Lisa. Ces derniers l’aident à trouver un emploi aux Halles et à se réinsérer dans cette société, assez peu bienveillante. Mais, en grand idéaliste, Florent ne peut s’empêcher de rejoindre un nouveau groupe d’activistes politiques, ce qui suscite la désapprobation de ses proches. La tension monte peu à peu autour de lui.
Ce que j’en ai pensé ?!
Quels gredins que les honnêtes gens !
Clairement, cette lecture ne fut pas une partie de plaisir ! Et ce, malgré la plume magnifique de Zola.
L’ambiance est lourde, suffocante, dans ce roman. Que ce soit dans la cuisine des Quenu [qui suinte le sang et la graisse] ou dans les Halles débordantes de nourriture [fruits, légumes, viandes, fromages, poiscailles, … on a l’impression que Florent va se faire ensevelir sous les étals], la tension est palpable. La “belle Lisa” en veut à son beau-frère de venir bousculer la vie bien huilée de sa famille et lui reproche de ternir l’image de sa boucherie. Dans les Halles, les rumeurs vont bon train au sujet de Florent dont le passé est mystérieux et à qui on prête rapidement de mauvaises intentions. De manière générale, les personnages sont écœurants : gras, sales, déversant leur fiel sur tout un chacun, … Bref, charmant tableau !
La graisse débordait, malgré la propreté excessive, suintait entre les plaques de faïence, cirait les carreaux rouge du sol, donnait un reflet grisâtre à la fonte du fourneau, polissait les bords de la table à hacher d’un luisant et d’une transparence de chêne verni. […] il n’était certainement pas, du plancher au plafond, un clou qui ne pissât la graisse.
On peut considérer que les Halles sont un personnage à part entière dans le roman et on pourrait presque les considérer comme le personnage principal [et non Florent qui, finalement, évolue assez peu]. Elles pèsent sur quartier : la nuit, leurs silhouettes sombres semblent encore plus menaçantes qu’en journée. Chacune possède sa propre ambiance, décrite par Zola comme des toiles de peinture : il donne pléthore de détails sur les couleurs, les bruits et les odeurs qui se dégagent de chacune. On les voit évoluer au fil des saisons. Cela offre de superbes pages emplies d’énumérations au vocabulaire fourni, précis et d’une grande poésie. D’ailleurs, au cas où on ne l’aurait pas remarqué que premier coup d’œil, le motif pictural est appuyé par le personnage de Claude Lantier, le premier ami que Florent se fait en arrivant à Paris, qui s’avère être le neveu de Lisa mais surtout, un jeune peintre qui aime utiliser les Halles comme terrain de jeu. C’est d’ailleurs lui qui les fait visiter à Florent.
Le jour se levait lentement, d’un gris très doux, lavant toutes choses d’une teinte claire d’aquarelle. Ces tas moutonnants comme des flots pressés, ce fleuve de verdure qui semblait couler dans l’encaissement de la chaussée, pareil à la débâcle des pluies d’automne, prenaient des ombres délicates et perlées, des violets attendris, des roses teintés de lait, des verts noyés dans des jaunes, toutes les pâleurs qui font du ciel une soie changeante au lever du soleil […] les légumes s’éveillaient davantage, sortaient du grand bleuissement trainant à terre.
Je n’ai pas trouvé les personnages principaux très aimables : ils sont assez caricaturaux et n’évoluent pas au long du récit. Certains s’échappent du lot mais sont assez secondaires : il y a le couple d’amoureux quasi mythique dans le traitement qu’en fait Zola et qui fait un peu penser à celui qui était également présent dans La Fortune des Rougon ou encore la maraîchère de Nanterre qui symbolise la vie pure et simple, en dehors de Paris.
Cela s’épandait, se soutenait, au milieu du vibrement général, n’ayant plus de parfums distincts, d’un vertige continu de nausée et d’une force terrible d’asphyxie. Cependant, il semblait que c’étaient les paroles mauvaises de madame Lecoeur et de mademoiselle Saget qui puaient si fort.
Zola développe toute une théorie autour de l’opposition symbolique entre les “gras” et les “maigres”. C’est un fil conducteur qui traverse tout le roman et nous permet de deviner certaines de ses intentions.
Il y aurait encore beaucoup de choses à analyser dans ce roman mais cela serait vous gâcher le plaisir de le découvrir. Car pour moi, il ne brille pas par la richesse de son intrigue mais par les images que nous offre l’auteur et les interprétations qu’on peut essayer d’en faire. C’est un roman que j’étais heureuse de refermer car il m’ennuyait passablement mais à propos duquel j’ai trouvé très intéressant de réfléchir, après lecture. Si l’exercice vous intéresse [et que vous avez deux heures devant vous], vous pouvez regarder le live du club de lecture d’Antastesia et Nabolita où elles développent leur propre analyse du roman.
Infos pratiques
- Titre : Le Ventre de Paris, (#Les Rougon-Macquart, tome 3)
- Auteur : Émile Zola
- Édition : Le Livre de Poche, 1968
- Nombre de pages : 502 pages
- Genre : naturalisme
7 commentaires
mespagesversicolores
Et bien moi il me tente.
Dans Le Parfum de Suskind, j’avais justement adoré toutes ces descriptions d’odeurs etc…
Maghily
Hahaha, pourquoi cela ne m’étonne pas ?!
Je pense que tu pourrais beaucoup aimer, c’est un roman qui offre de magnifiques images. 🙂
mespagesversicolores
Parce que tu commences à me connaître
Ping :
Ping :
Ping :
Ping :