Le Cœur battant de nos mères de Brit Bennett
En ce moment, le Youtube anglophone parle beaucoup du nouveau roman de Brit Bennett (The Vanishing Half) qui vient tout juste d’être publié en français (L’Autre moitié de soi). Donc, lorsque j’ai croisé Le Cœur battant de nos mères chez le bouquiniste, je ne me suis pas posé longtemps la question, je l’ai embarqué avec moi !
Résumé
Alors que sa mère s’est suicidée quelques mois plus tôt, Nadia, 17 ans s’aperçoit qu’elle est enceinte et décide d’avorter. Elle souhaite réaliser le vieux rêve de sa mère et aller à l’université, chose impossible avec un bébé sur les bras. Elle passe l’été avec Aubrey, une jeune fille tout aussi meurtrie par la vie qu’elle dont elle va beaucoup se rapprocher. Pourtant, le poids des secrets qu’elles n’ont pas partagé ne cesse de s’alourdir au fil des années, creusant un gouffre de plus en plus profond.
Ce que j’en ai pensé ?!
Dans un premier temps, j’ai été intriguée par les narratrices de ce roman qui s’adressent directement aux lecteur⋅ices. Toute l’histoire se déroule en Californie, dans une communauté noire assez religieuse et est racontée par une groupes de vieilles femmes qui se font appeler “Les Mères”. Elles nous racontent ce qu’elles savent de l’histoire de Nadia Turner, dont le destin a bouleversé la vie de cette petite communauté. Leur ton, parfois un peu piquant, amène une touche de légèreté dans ce qui nous est conté.
La première fois que nous en avons entendu parler, nous n’y avons pas cru. Vous savez bien que les rumeurs vont bon train chez les pratiquants.
Je pense que cette mise en contexte est importante pour comprendre les réflexions de Nadia autour de son avortement et ses difficultés à en parler. Alors qu’elle est sûre de la légitimité de son choix, les réactions du père de l’enfant ainsi que les discours de ses proches au sujet de l’avortement en règle générale, du rôle que doit jouer une mère, etc. vont l’amener à douter de sa décision.
Dans ce roman, Brit Bennett aborde beaucoup de sujets considérés comme tabous et amène ses protagonistes à y réfléchir : le suicide, l’avortement, l’inceste, le désir sexuel, la jalousie, l’adultère. Elle propose également une certaine diversité dans les personnages, notamment en ce qui concerne leur sexualité. Globalement, c’est une lecture qui appelle à l’ouverture d’esprit.
Elle cherchait encore des indices, des choses étranges que sa mère aurait dites ou faites, des signes qu’elle aurait dû remarquer. Au moins, sa mort aurait un sens. Mais elle ne trouvait aucun élément indiquant que sa mère voulait mourir. Peut-être ne l’avait-elle jamais connue réellement ? Et si vous ne connaissiez pas la personne dont le corps a été votre première maison, comment pourriez-vous connaître les autres ?
Par contre, je ne sais pas si c’était une volonté de l’autrice mais je trouve que Nadia est dépeinte comme une fille assez égoïste alors qu’elle tente simplement de s’en sortir avec les cartes que la vie lui a données et de s’élever socialement. On dirait que les narratrices, mais aussi ses proches, la condamnent pour le choix qu’elle a posé : l’autrice pense-t-elle que l’on ne peut pas être heureuse si l’on fait le choix d’avorter ? Est-ce le message qu’elle essaie de faire passer ? Si non, pourquoi le sort s’acharne-t-il autant sur Nadia ? Le fait de ne pas comprendre ses intentions me dérange un peu car je n’aime pas l’idée que l’on ressorte de cette lecture avec l’idée que Nadia est coupable du choix qu’elle a posé. Cette impression m’est laissée suite au parallèle que l’on peut faire entre le destin de son personnage et celui d’Aubrey [mais pour en savoir plus, je vous invite à lire le roman. Si vous l’avez lu, n’hésitez pas à me dire si vous avez eu la même impression que moi].
Sur le plan de la forme, c’est fluide, l’écriture est simple. Le roman se lit d’autant plus facilement que tout au long du récit, le suspens autour de l’évolution des relations entre Nadia et ses proches est suffisamment bien dosé que pour nous donner envie d’avancer. Par contre, j’ai lu plusieurs commentaires [et le marketing de la maison d’édition va également dans ce sens] rapprochant l’autrice à Elena Ferrante, Chimamanda Ngozie Adichie ou Toni Morrison mais je ne suis pas trop d’accord. Ok, il y a une histoire d’amitié qui peut être un peu complexe mais c’est loin de s’approcher de ce qu’on lit dans l’Amie prodigieuse. Et je ne vois pas trop le rapprochement avec l’autrice d’Americanah dont les romans sont bien plus complexes et introspectifs que Le Cœur battant de nos mères [ce qui n’enlève rien à la qualité de ce dernier].
C’est donc une lecture qui m’a plu et que j’aurais pu aimer encore davantage si le final ne m’avait pas laissé une impression désagréable au sujet des choix de Nadia.
Infos pratiques
- Titre : Le Cœur battant de nos mères (The Mothers)
- Autrice : Brit Bennett
- Traducteur : Jean Esch
- Édition : J’ai lu, 2018
- Nombre de pages : 378 pages
- Genre : contemporain
6 commentaires
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Fanny
Ca ne me convainc pas 😀
Et puis cette fausse “pub” disant qu’elle se rapproche de Chimamanda Ngozie Adichie, non merci.
Maghily
Hahaha, comment te faire fuir : dire que cela ressemble à Ferrante ! 😀
En ce moment, tu ne peux pas dire que je fais augmenter ta wish-list… 😉
jostein59
Ferrante n’a rien à voir avec Toni Morrison ou Adichie. Et ayant lu ce livre ( j’avais été une des rares à l’aimer parmi les jurés du Prix des Lectrices Elle de l’époque), je confirme qu’il n’y a aucune ressemblance à Ferrante. Je vais lire le nouveau roman de Brit Bennett qui vient de paraître.
Maghily
On est bien d’accord ! 🙂
Ça m’énerve déjà de base quand on essaie de me vendre un livre en disant que c’est le nouveau Untel mais quand on plus cela n’a absolument rien à voir, j’ai vraiment l’impression qu’on me prend pour une andouille…
Je suis curieuse de lire ton avis sur le nouveau Brit Bennett : pour l’instant, je n’en ai entendu parler que sur les chaînes/blogs anglophones.
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