Le Carnet d’or de Doris Lessing
Aujourd’hui, je vous parle DU roman qui m’a occupée une grande partie du mois de juillet : Le Carnet d’or de Doris Lessing. Je n’avais encore jamais rien lu de cette autrice, qui a reçu le Prix Nobel de littérature en 2007, mais j’avais de grandes attentes envers ce livre depuis que j’avais vu la vidéo qu’Hajar lui avait dédiée.
Résumé
Anna Wulf est une romancière d’une trentaine d’années ayant connu le succès après un premier roman et qui semble, depuis, souffrir d’une panne d’inspiration. Nous sommes à Londres, dans les années 50, où Anna vit de manière assez peu conformiste puisqu’elle est mère célibataire et travaille bénévolement pour le parti communiste. Elle consigne sa vie et ses réflexions sur celle-ci dans différents carnets, espérant que cela lui permette de “retrouver son unité”.
Ce que j’en ai pensé ?!
Que ce roman est dense et complexe ! Je ne m’attendais pas à cela avant de le commencer ! Cette complexité provient à la fois des thèmes abordés et de sa forme. En effet, le roman se divise en 5 grandes parties comprenant chacune plusieurs sous-parties qui reviennent de manière systématique :
- Femmes libres : ce qui ressemble au roman qui raconte la vue d’Anna
- Les carnets dans lesquels Anna écrit ses réflexions ou s’essaie à l’écriture. Chaque carnet possède une fonction bien spécifique de laquelle Anna tente de ne pas s’éloigner :
- le carnet noir : qui reprend ses considérations sur la vie en général, analyse certains événements du passé, etc. ;
- le carnet rouge : qui reprend ses réflexions sur la politique et plus spécifiquement, sur celle du parti communiste ;
- le carnet jaune : où elle s’essaie à des exercices d’écriture ;
- le carnet bleu : qui fait davantage office de journal intime ;
- le carnet d’or : le carnet ultime, celui qui devra remplacer tous les autres lorsqu’Anna aura réussi à se réunifier. Il n’apparait que dans la dernière partie du roman.
De ce fait, il y a de nombreuses redondances entre les carnets et la partie romancée mais aussi, entre les carnets eux-mêmes. Et, ce qui vient compliquer davantage la lecture, ce sont les infimes différences entre les éléments rapportés, suivant l’endroit où Anna en parle. J’avoue m’être parfois perdue dans ma lecture, surtout dans la première partie, lorsque je n’avais pas encore bien compris le sens et le rôle de chaque carnet. Ensuite, la lecture s’est faite plus fluide.
Je dirais que ce qui m’a le plus ennuyée, ce sont les réflexions d’Anna vis-à-vis du parti communiste : je n’y entends pas grand chose au sujet des différentes idéologies qui l’ont composé et parfois, c’était assez opaque pour moi. Il m’est arrivé d’avoir envie de sauter quelques passages mais je n’ai pas osé de peur que cela m’empêche de comprendre la suite [et en fait, j’aurais mieux fait !]. D’un autre côté, c’est intéressant de relever les nombreuses contradictions qui touchaient la logique du parti, ainsi que les différences d’un pays à l’autre, d’une génération à l’autre.
De même, les 150 dernières pages [le livre en compte 950] m’ont passablement lassée : Anna y était enfermée dans une relation malsaine la menant doucement vers la folie [quant à savoir si elle en sort ou non, c’est à vous de lire le roman…]. Je ressentais cette horrible impression d’enfermement, cette manie de ressasser toujours les mêmes idées noires : c’était oppressant [bon, c’était sans doute le but donc Doris Lessing a bien réussi son coup].
Par contre, j’ai beaucoup aimé les passages où Anna se souvient de la période, pendant la Seconde Guerre mondiale, où elle a vécu en Afrique et les nombreuses considérations sur le racisme que cela a suscité en elle. Les paysages et l’ambiance sont magnifiquement bien décrits, de manière à nous faire ressentir la moiteur chaude qui englobe les personnages : quelques jeunes femmes et de nombreux hommes blancs, pour la plupart oisifs, perdus au milieu de la brousse en attendant d’être prochainement envoyés vers la mort. Visiblement, l’autrice s’est pas mal inspirée de sa propre expérience pour décrire les lieux puisqu’elle est née en Rhodésie et cela se ressent.
Enfin, ce qui j’ai adoré et qui, pour moi, fait la force de ce roman, ce sont les nombreuses réflexions d’Anna sur les relations hommes/femmes, de la (non)-acceptation des envies de liberté de certaines femmes, de l’immense hypocrisie autour du mariage et des sentiments amoureux dans la société anglo-saxone qu’elle fréquente. Beaucoup de passages m’ont bouleversée car ils faisaient écho à certaines pensées que j’ai pu avoir ces dernières semaines concernant ma propre vie. Et chose qui n’est pas là pour nous rassurer, il semblerait que le harcèlement de rue était déjà monnaie courante dans les années 50…
Elle resta là, à observer la manière minutieuse, analytique et même sensuelle dont il examinait les passantes, l’une après l’autre, au point qu’elles lui jetaient des regards contrariés ou intéressés ; mais alors il se dérobait.
L’autrice aborde aussi la sexualité, surtout féminine, ce qui donne lieu à des passages qui ont dû choquer, lors de la publication de ce roman. Il est aussi question d’homosexualité dans ce roman mais ces passages m’ont dérangée : je n’arrivais pas à déterminer si l’autrice souhaitait dénoncer l’homophobie ou si elle était elle-même homophobe tant certains passages étaient ambigus et d’autres, franchement insultants [à remettre dans le contexte de son époque, certes, mais j’étais déroutée].
L’autrice évoque également le changement de personnalité que peuvent connaître les femmes lorsqu’elles deviennent mères : ce besoin inconscient de s’oublier pour le bonheur de l’enfant et la prise de conscience lorsque celui-ci s’éloigne pour un laps de temps plus long qu’habituellement.
Je comprends donc pourquoi ce roman est souvent conseillés dans les cercles féministes.
Je lui ai demandé “pourquoi avez-vous toutes quitté la conférence miraculeuse de notre grand sexologue ?” Elle m’a souri d’un air parfaitement hostile mais très doux en me répondant : “Mais, mon cher Paul, après tant de siècles, les femmes de bons sens sont trop avisées pour interrompre les hommes lorsqu’ils commencent à leur expliquer ce qu’elles éprouvent sexuellement”.
Et finalement, ce Carnet d’or qui donne son titre au roman ne représente qu’une infime partie de celui-ci : j’ai presque été déçue quand j’ai vu de quoi il retournait…
C’est une lecture qui mérite les nombreuses heures qu’il faut lui accorder pour en venir à bout mais qui ne plaira certainement pas à tout le monde. Je pense que cela restera un ouvrage marquant dans ma vie de lectrice même si je l’ai nettement moins aimé qu’espéré !
Infos pratiques
- Titre : Le Carnet d’or
- Autrice : Doris Lessing
- Traductrice : Marianne Véron
- Édition : Le Livre de Poche, 2016
- Nombre de pages : 945 pages
- Genre : contemporain
- Challenges : il compte définitivement pour le challenge du Pavé du mois de Bianca et me permet de valider la catégorie “Lire une autrice primée” du FéminiBooks Challenge.
6 commentaires
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bibliblogueuse
On m’a offert ce roman mais vu l’épaisseur, je n’y ai pas encore touché. Je crains d’être obligée d’attendre les vacances de l’été prochain pour m’y plonger. Cela dit, je n’ai jamais encore lu cette autrice et j’ai très envie de la découvrir.
Maghily
C’est clairement un roman pour lequel il faut avoir l’esprit libre et du temps pour s’y plonger : donc oui, je te conseille d’attendre les vacances. 🙂
Mais tu reçois de très chouettes cadeaux ! 😉
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